lundi 12 janvier 2015

Présentation



balades aux bords des mondes.



Photographier l'étendue mouvante de la mer comme sujet à part entière de l'image, c'est se replacer dans cette quête de capture infime du temps qui fait de nous un photographe, c'est chercher la pérennité dans l'impermanence: depuis la lisière de nos yeux, au bord des mondes, sur une plage, une promenade fabriquée, artificielle, ou un espace sauvage, s'étend à l'infini devant nous une surface rêvée, mère de tous les phantasmes, mythologies des profondeurs, ou merveilles naturelles. Ce que l'on tente de percevoir depuis le rivage, c'est la sensation d'une part d'éternité; La mer inspire l'homme depuis la nuit des temps, mais qu'y voit il? Un ailleurs possible, une masse immense de rêves et de temps, un mouvement insaisissable qui pourrait nous engloutir totalement, qui était et sera alors que nous ne sommes, face à lui, qu'un minuscule univers éphémère aux yeux avides.

"Il faut toujours regarder la mer. C'est un miroir qui ne sait pas nous mentir" Yasmina Khadra n'a pas tort,  et photographier la mer, sous quelque forme que ce soit tient souvent de l' autoportrait, un portrait liquide, en réflexion; L'histoire de la photographie est parsemée de milliers de photographies de mer, et sa représentation évolue avec la technique (ce que les appareils permettent de saisir, en temps, en précision etc...) mais elle est aussi éminemment culturelle, l'homme s'évertue à apprivoiser sa frontière, les rivages hostiles des invasions et des naufrages, ces mers métaphysiques n'ont rien avoir avec les dentelles de préfabriqués qui bordent certains souvenirs de vacances, et on n'y portera sans doute pas le même regard si la mer est un être familier ou une amie lointaine.


L'exposition "Les Mondes flottants" propose donc 7 personnalités; 6 photographes dont le regard curieux de Zacharie Gaudrillot Roy qui s'est posé sur la vie de promeneurs des bords de Singapour, dans le rapport complexe, organisé ou naturel entre contemplation, lieu d'échange, de capture de souvenirs, de beauté artificielle ou simplement de vie quotidienne;
Les paysages de Benjamin Lorieau sont comme une danse entre la terre et la mer, corps solides et liquides se mêlent dans des images ou noir et blanc se cherchent et s'harmonisent.
Des corps toujours, plus imposants dans les photographies de bunkers de Guillaume Ducreux, vestiges de périodes troubles s'enfonçant doucement, mémoire ensevelie des folies humaines, un thème de l'abandon cher à ce photographe attaché à révéler ce qui a survécu au temps.
Ce temps scandé par les vagues, comme un éternel retour, la quête d'éternité se retrouve dans les images de Laure Abouaf. C'est l'histoire d'un deuil, d'une volonté et d'un espoir: être accueilli par la mer et de nouveau faire parti d'un tout.
Les gens de la mer se reconnaissent entre eux, il y a sans doute quelque chose de qui créé un caractère commun dans cette proximité de l'immense, et c'est ce que retrace Melania Avanzato, d'un bord à l'autre de la méditerranée, des triptyques où la terre semble un puzzle absurde et aléatoire sur la surface de l'eau, toujours la même, de Marseille à Cagliari, à Valencia ou à Tel Aviv.
Des images qui ont aussi donné lieu à une vidéo, des vagues anonymes, qui ignorent les frontières et le nom des terres qu'elles viennent caresser. Vincent Denneulin s'est attaché à décrire en musique cette entité liquide, une plongée fantasmée dans des sons électroniques à la recherche d'une respiration, du souffle d'une mer synthétique , un mirage fait de souvenirs.
Toutes ses images sont des voyages, même celles prises dans des lieux familiers, elles sont des rencontres . Il en va de même pour la série de David Duchon-Doris, c'est une traversée, un périple dans l'invention de l'espace littoral, du nord au sud. Dans un mélange d'architectures rangées,  de constructions qui affrontent ou accompagnent la nature, et le subtil chaos magnifique et surprenant des reliefs inattendus, sa photographie décortique un décor fonctionnel où l'absence de l'individu (sinon en de minuscules silhouettes lointaines) remplie l'image de cette relation contemporaine, particulière, à la mer.
M.A.











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Laure Abouaf - rejoindre la mer-









"Ce voyage, nous l'avons fait. Ensemble. Nous sommes partis au bord de la mer. Toi, tu répétais, "ma douce mère, ma petite maman.. je t'aime tant". Le vent agité et le cœur serré, nous sommes arrivés. Ces flots incessants de sentiments nous submergeaient. Mes pas avaient du mal à me guider jusqu'à ton dernier lit. Vous l'aviez choisi. Toi ma tata, et toi mon tonton, vous désiriez rejoindre la mer. Faire corps avec la vie et reposer en paix. Vos urnes s'ouvrent et un souffle lourd vous emporte. Un tourbillon de souvenirs se lève et se mêle aux fracas des vagues. Nous sommes immobiles. Mes mains tremblent. Les boîtes se referment et j'entends. Le son de l'eau. Le bruit du vent. Et les yeux humides nous regardons cette étendue qui nous fait face."
L.A.

Melania Avanzato -Mare Nostrum- "traversée"

























"Mémoire fragmentée, la série Mare Nostrum reconstitue, autour du bassin méditerranéen, un palimpseste de souvenirs, de sensations lumineuses, les reliefs familiers, les parfums flottants et le  goûts des mots , les voix du vent, dans des photographies qui avalent les paysages et suspendent le temps; Les corps captent et enregistrent, traversés par l'esprit particulier qui baigne les rivages de cette mer immense.
Au delà des coutumes et des langues, des constructions humaines qui tentent d'apprivoiser sa frontière, de quelque point de vu qu'on affleure son corps d'eau, d'un bord à l'autre du monde méditerranéen, on le sent, ce souffle qui entoure et accueille: elle est le lien, la sentinelle au mouvement perpétuel, le miroir aux abîmes,  la rassurante indomptable."
M.A.

Vincent Denneulin


https://www.youtube.com/watch?v=e_YlsrNmTAU&feature=youtu.be



création sonore pour "les mondes flottants":

« En fouillant dans nos souvenirs, plus ou moins lointains, on y retrouve des images de mer, réelles ou rêvées, des images qui appartiennent à notre histoire ou à notre inconscient collectif; la plage, ses baigneurs, le souffle des vagues, ou peut être nous souviendrons nous d'une mer plus agitée, d'une sortie en bateau, du grondement du remous et du claquement du vent dans les mats du port... Voici notre point de départ, un souvenir, le début d'un voyage, d'une traversée imaginaire sonore et visuelle. Cette œuvre se veut abstraite comme une impression, elle  commence et se termine dans un souvenir; c'est  une traversée en miroir,  depuis la lisière, confortable et familière, aux fonds obscurs, mystérieux, vers la promesse d'un autre rivage. Je vous propose une mer synthétique, une représentation idéale qui comblerait un vide entre l'imaginaire et le souvenir. »
V.D

David Duchon-Doris -"3200 miles", extrait-



















Extrait de la série "3200 miles"

"La saison touristique est terminée, les côtes ont été délaissées par les voyageurs. Un chemin du nord au sud à travers la France, à la recherche de ses paysages transformés. Tout semble former un tout, cette rencontre entre monde maritime et terrestre nous dévoile la confrontation entre la puissance et la fragilité de la nature. Depuis longtemps l'Homme a su s'approprier cet espace singulier et l'a façonné à son image. De ce savant mélange résulte un monde figé et serein, loin du vacarme des grandes villes."
DDD

Guillaume Ducreux -(IN)SOLUBLES-










(IN)SOLUBLES                                                                      
 Les reliques venues d'un passé sombre se dressent encore devant nous.  
Derrière les ruines se cristallise l'action du temps sur nos mémoires. Soixante-dix ans se sont écoulés, toute une vie à vaciller. Devenus fantomatiques, ces colosses subissent sans discontinuer l'assaut du temps et des éléments. Les lignes graphiques sur la corde d'un périlleux équilibre offrent dorénavant un spectacle anachronique. Des angles usés aux assises défaites, ces monstres de béton s'offrent dans leur fragilité. Bien au-delà de la folie humaine, ces remparts attendent inexorablement et transposent une vision double.  
Paradoxe des formes envoutantes, leurs arrêtes érodées ne cessent cependant d'hurler un sanglant passé. 



Guillaume DUCREUX

Zacharie Gaudrillot-Roy -"Garden city" Singapour 2014.-

















"Fin de journée sur l'ïle de Singapour, à la limite de la ville, les citadins viennent suspendre le temps, ralenti léger sur fond bleu, ils deviennent promeneurs, baigneurs, contemplatifs; Ici on se croise, on change d'air, on s'extrait de la densité urbaine, on respire un autre temps au rythme du souffle de l'eau, promenade le long d'une côté sans fin, passage entre terre et mer, nature et artifice, Garden city est une errance dans une ville à la frontière liquide, au point de fuite où le continuel flux maritime vient combler l'horizon."
Z.G.R